Logement indécent : la Cour de cassation encadre strictement le non-paiement du loyer
Une nouvelle décision de la troisième chambre civile de la Cour de cassation confirme la rigueur de l’approche jurisprudentielle en matière de paiement du loyer malgré l’indécence du logement. Elle rappelle qu’un locataire ne peut suspendre ses paiements que s’il prouve l’impossibilité totale d’habiter ou d’utiliser le logement, même en cas de graves désordres.
Rappel des faits et procédure
Dans cette affaire, une locataire avait cessé de payer ses loyers depuis novembre 2011, en raison de désordres importants affectant l’étanchéité, l’humidité, ainsi que les installations de gaz et d’électricité de son logement. Après une expulsion en 2013 puis une réintégration, elle invoquait l'exception d’inexécution, tout en contestant les loyers dus.
La Cour d’appel d’Aix-en-Provence avait rejeté sa demande, estimant que l’impossibilité totale d’habiter les lieux n’était pas démontrée. La locataire s’est alors pourvue en cassation.
Une jurisprudence constante réaffirmée
La Cour de cassation valide partiellement la décision d’appel, confirmant deux principes essentiels :
- Le locataire reste tenu de payer le loyer si le logement reste partiellement utilisable, même s’il présente des vices graves.
- Seule une impossibilité totale d’usage permet de suspendre cette obligation.
En revanche, elle réduit la somme due en tenant compte de la période d’expulsion durant laquelle la locataire ne pouvait occuper les lieux.
Une position alignée sur la jurisprudence antérieure
La Haute juridiction maintient ainsi sa position déjà exprimée dans plusieurs arrêts récents :
- Cass. 3e civ., 6 juillet 2023 : impossibilité d’invoquer l’exception d’inexécution si l’usage des lieux est partiel.
- Cass. 3e civ., 7 juillet 2016 : maintien de l’obligation de payer si le bien reste exploitable.
- Cass. 3e civ., 14 novembre 2024 : obligation de délivrance d’un logement décent, mais sans suspension automatique des loyers.
Conséquences pratiques pour les bailleurs et locataires
Cette décision appelle à une grande prudence :
- Les bailleurs doivent veiller à maintenir leurs logements en conformité avec les normes de décence, sous peine de voir leur responsabilité engagée.
- Les locataires ne peuvent pas suspendre unilatéralement le paiement du loyer : ils doivent saisir le juge ou engager une procédure en consignation si nécessaire.
- En cas de litige, seule l’intervention judiciaire peut ajuster rétroactivement le montant du loyer.
Conclusion : Cette décision confirme que le paiement des loyers reste la règle, et que les désordres, même graves, n’autorisent pas à s’en affranchir sans démonstration d’une impossibilité totale d’usage. La Cour de cassation poursuit ainsi son œuvre de sécurisation du droit des baux d’habitation, en conciliant obligation de décence et sécurité contractuelle.